Contexte conventionnel Cinéma
La Convention du cinéma.
L’un des objets initiaux de l’AFCS a été atteint quand la Convention Collective Nationale de la Production Cinématographique du 19 janvier 2012 a été étendue (et donc rendue obligatoire pour tous les producteurs du secteur, qu’ils en soient signataires ou non) par Arrêté du 1er juillet 2013 (J.O. du 6 juillet 2013).Elle présente en effet dans son Chapitre I du Titre II une définition de la fonction que nous occupons : Cadreur spécialisé cinéma (cadre) : "Suivant les directives du réalisateur et sous le contrôle du directeur de la photographie, il assure les cadrages et l’harmonie des mouvements de l’appareil de prises de vues au moyen d’un bras mécanique stabilisateur (exemple : Steadicam), porté ou fixe, ou dans le cadre de toute autre prise de vues spécialisée." Cette légitimation de notre statut professionnel s’est faite hélas au prix d’une baisse significative des planchers de notre reconnaissance salariale.
Le lien officiel suivant présente la CCPC et ses différentes annexes et avenants. Comme nous bénéficions toujours de contrat à durée déterminée d’usage, nous sommes essentiellement concernés par le Titre II qui s’occupe des techniciens, le Titre I renfermant les dispositions communes et le Titre III concernant les artistes : Cliquer ici pour voir le lien. https://www.legifrance.gouv.fr/affichIDCC.do?idConvention=KALICONT000028059838Nos amis de l’AFAR ont établi un document synthétique et très pratique qui reprend l’ensemble des trois Titres et des Annexes ainsi que l’Avenant de Révision du 8 octobre 2013 :Cliquer ici pour voir le lien. https://www.afar-fiction.com/spip.php?article1857Cette convention a fait l’objet d’un avenant en date du 03/04/19 portant revalorisation des salaires à compter du 1er juillet 2019. Liens de nos amis de l’ADP : https://directeurdeproduction.com/fr_fr/grilles-de-salaires/#techniciens-cinema Le tarif conventionnel 39h pour notre poste est désormais de 1887,06€, se rapprochant ainsi timidement des pratiques salariales constatées par l’AFCS en 2019 et qui constituent notre seule plate-forme revendicative (2400€/39h).L’Article 30 Titre II et l’Annexe II de la CCC introduisent la notion de durée hebdomadaire de travail comprenant des durées d’équivalence, notion très profitable aux producteurs qui a déjà fait couler beaucoup d’encre. Elle conduit à réduire considérablement la rémunération des techniciens (uniquement pendant la période de tournage et pour un contrat de cinq jours au minimum) tout en permettant une durée légale hebdomadaire de 60 heures effectives. En gros, il s’agit de prendre en compte les heures de présence réelle du moment de l’arrivée sur le plateau jusqu’au départ en incluant les temps d’inactivité (à l’exception des repas) pour leur appliquer un savant calcul en défaveur du salarié. Il y a bien une majoration du salaire par rapport aux 39 heures, mais elle est "lissée", comme un forfait qui ne dirait pas son nom… La production peut alors demander à un cadreur de cinéma (non spécialisé) de travailler 55 heures au tarif de 51 heures pour la semaine de 6 jours ou 45 heures payées 42 pour une semaine de 5 jours. Fort heureusement dans l’avenant de 2019, nous n’apparaissons pas dans la grille des heures d’équivalence (Art 2.4 de l’Annexe III).
Les garanties que nous offre cette conventionIl importe de rappeler certains aspects positifs de cette Convention qui encadre notre vie professionnelle quotidienne, en soulignant ceux qui nous concernent particulièrement .Notre qualification de « cadreur spécialisé cinéma » ne figure pas dans la liste présentée à l’article 2.2 de l’Annexe II fixant la grille revalorisée des durées hebdomadaires de travail comprenant les durées d’équivalence. Ceci doit nous permettre de refuser cette clause insidieuse aux allures d’usine à gaz. Attention toutefois pour ceux qui font des prestations mixtes (cadre classique et Steadicam) de veiller à ce que leur fonction de cadreur spécialisé soit toujours présente sur leur contrat et leurs fiches de paie.Il est bon de rappeler que les suspensions abusives dans l’exécution d’un contrat (« préparatifs, durée du voyage, mauvais temps, décors non prêts à la date prévue ou tout autre incident ») ne l’annulent pas et qu’il reste dû (Titre II, Article 20).Il en est de même pour une rupture du fait du producteur ou du producteur exécutif, sauf pour faute grave signifiée par écrit. "En cas de non-exécution du contrat, injustifiée et imputable au producteur, celui-ci sera dans l’obligation de verser au salarié la totalité des salaires prévus au contrat pour la durée prévisionnelle de celui-ci" (Titre II, Art 21). Il nous est arrivé à tous d’être bloqués pour rien et de refuser d’autres tournages en pure perte.Les contrats forfaitaires ne concernant que les périodes de préparation et de postproduction pour les techniciens disposant d’une autonomie les dispensant d’un horaire collectif (Titre II, Art 31), les heures supplémentaires doivent être réglées pour tout dépassement de travail. Deux cas se présentent. Pour tout contrat d’une durée inférieure à 5 jours, c’est l’Article 34 du Titre II qui s’applique : "Le salaire horaire de base minimum garanti est majoré de 25 %. Les HS effectuées au-delà de la durée de 7 heures sont majorées de 50 % du salaire horaire de base minimum garanti. Au-delà de la 10e heure, elles sont majorées de 100 %. La rémunération journalière minimale garantie ne peut être inférieure à 7 heures.
Pour les films publicitaires uniquement : Salaire horaire de base minimum garanti majoré de 50 %. Les HS effectuées au-delà de la durée de 8 heures sont majorées de 100 % du salaire horaire de base minimum garanti. La rémunération journalière minimum garantie ne peut être inférieure à 8 heures".Pour les contrats égaux ou supérieurs à cinq jours, l’Article 37 du Titre II précise "De la 36° à la 43° heure supplémentaire : majoration de 25 % du salaire horaire de base. De la 44° à la 48° HS : majoration de 50 %. Au-delà de la 48° HS : majoration de 75 %".Le travail du dimanche (Titre II, Art 41) est majoré de 100 % et doit faire l’objet d’une journée ultérieure de repos. Le travail de nuit (Titre II, Art 40) comprend les heures effectuées entre 22 heures et 6 heures du 1er avril au 30 septembre, et entre 20 heures et 6 heures du 1er octobre au 31 mars. Il est majoré de 50 % pour les 8 premières heures de nuit, au-delà de 100 % et limité à 8 heures consécutives par 24 heures. L’article 42 du titre II liste onze jours fériés, avec une majoration de 100 % à laquelle s’ajoute une journée de récupération payée pour 7 heures, la récupération devant avoir lieu au plus tard dans la semaine qui suit le jour férié.Enfin, pour nous qui devons transporter nos lourds flight-cases dans nos propres véhicules, l’Article 47 du Titre II rappelle que "les frais d’utilisation de son véhicule seront remboursés sur la base du barème kilométrique établi par l’administration fiscale", ce qui est largement supérieur aux seuls pleins et péages que les productions proposent spontanément.
La très controversée Annexe III de ladite convention.
Parmi les points litigieux de cette Convention, il faut citer l’apparition à l’Annexe III d’une grille dérogatoire pour les films "de la diversité", une manière pudique de dire qu’ils sont sous-financés. L’annexe III de la CCC modifiée dans l’avenant du 8 octobre 2013 fixe les salaires minima "abattus" aux techniciens travaillant sur ces films avec pour compensation, dans une virtualité vraiment théorique, un intéressement aux recettes du film.Cette carotte hypothétique est égale au maximum à deux fois la différence avec le salaire de référence. Dans notre cas, le salaire hebdomadaire minimum garanti passe à 1103,20€ / 39h avec un montant de l’intéressement qui nous est théoriquement dû de 1511,92 € par semaine pour le salaire de référence déjà très modeste de 1859,16 € cité plus haut.
Sont éligibles à la dérogation, qui ne doit pas dépasser en moyenne sur cinq ans 20 % du nombre de films agréés, à la fois les films de fiction dont le budget prévisionnel est inférieur à 3 millions de dépenses extérieures (c’est-à-dire hors frais généraux et salaire du producteur) et sans compter les imprévus (en réalité autour de 3,6 millions d’euros environ), ainsi que les films documentaires pour le cinéma dont le budget prévisionnel est inférieur à 600 000€ de dépenses extérieures, hors imprévus.Ces films doivent en outre présenter une masse salariale brute des personnels techniques au moins égale à 18 % du budget prévisionnel. Celle-ci (hors salaire du réalisateur technicien) doit en outre représenter au moins 80 % des rémunérations brutes des auteurs, producteurs et titulaires des rôles principaux ainsi que les commissions d’agents prévues au budget prévisionnel. Le tournage doit avoir lieu majoritairement en France, sauf pour raisons artistiques. (Annexe III Article 1).
Il est à noter que cette dérogation ne concerne que le niveau de salaire et que donc toutes les autres dispositions de la CCC s’appliquent. La grille de salaires dérogatoires doit par ailleurs être appliquée à tous les membres de l’équipe technique. Si quelqu’un est payé au-dessus, tous les autres techniciens engagés sur le film doivent l’être aussi. Ceci explique pourquoi certains de nos membres se sont vus proposer de voir artificiellement doubler leurs journées d’engagement en extra pour obtenir les 650 € bruts qu’ils demandaient par jour réel. La Convention Collective ne doit pas avoir d’effet rabot sur nos salaires et c’est toujours au final le rapport de force induit par notre expérience et notre efficacité qui nous permettra d’obtenir nos salaires habituels.